6ème modification du PLU
Commentaires sur le projet soumis à enquête publique en septembre 2015

Groupe "Territoires"

APCVEB: Groupe "Territoires"

Article | 27 octobre 2015, par Pascal PREL, Renaud LAURETTE

Le Plan Local d’Urbanisme (PLU) est un règlement communal qui découpe le territoire en un ensemble de zones dont il définit la vocation (agricole, naturelle, habitat, activité, mixte...) ainsi que les modalités de construction (hauteur et distance des constructions, contraintes architecturales…). Le PLU de Balma date de 2005. Il a ensuite été révisé trois fois, et la dernière révision a elle-même été modifiée cinq fois.

Cette sixième modification, à l’initiative du conseil municipal, comprend essentiellement trois volets : (a) redéfinir des éléments de la ZAC de Gramont, (b) bloquer l’urbanisation de la route de Castres le temps d’une étude approfondie sur le projet à y mener, et (c) exprimer un caractère particulier aux coteaux de Balma par opposition au reste de la commune. Que faut-il en penser ?

La ZAC Gramont

L’évolution propose une réduction de la densité des secteurs encore à construire par une limitation des hauteurs de construction. Elle réduit également les contraintes paysagères et les tracés de voirie à respecter par les aménageurs pour leur laisser une plus grande marge d’initiative. Est-ce une bonne chose ?

Le projet actuel, même s’il comporte quelques faiblesses notamment en terme d’infrastructures de déplacement, répond à un impératif général en Europe : économiser la surface de terrain utilisée, c’est-à-dire densifier, tout en équilibrant cette densité par un cadre de vie de qualité (espaces naturels, services, espaces de vie, qualité des logements, durabilité, …). Pourquoi cet impératif ? Simplement pour prendre en compte deux réalités.

D’une part l’étalement urbain consomme des terres agricoles et des espaces naturels qui ne seront jamais récupérés et dont nous avons besoin, à la fois pour nous nourrir et pour protéger une biodiversité menacée dont dépend aussi notre propre avenir. D’autre part cet étalement rend coûteux la mise en place des réseaux associés (voirie, eaux, communications, etc) , ne permet pas la mise en place d’un réseau efficace de transports en commun (allongement des trajets et donc faible fréquentation des transports en commun au profit de la voiture individuelle, augmentant ainsi la consommation d’énergie et son impact sur le réchauffement climatique), et ne permet pas une véritable vie de quartier organisée autour de services et commerces économiquement viables.

Limiter délibérément la densité est donc à la fois une erreur au regard des enjeux, mais également une faute au regard de la loi. En effet, le législateur, conscient de ces enjeux au niveau national, a produit un cadre juridique qui impose aux communes un usage économe des sols et une densité accrue.

De notre point de vue, le véritable défi posé par la densité n’est pas de la réduire, mais d’y associer les formes urbaines, les espaces naturels, les infrastructures et les services qui permettront d’y offrir une qualité de vie agréable et une identité de quartier en lien avec le reste de la commune. Si l’objectif de la municipalité était de limiter la progression du nombre d’habitants, cet objectif aurait dû se traduire par une limitation de l’espace constructible au sein de la ZAC et non par une dé-densification.

Le second aspect concerne la réduction des contraintes aux aménageurs. Dans le projet initial, le prochain secteur à urbaniser était conçu comme une sorte de campus, c’est-à-dire comme un ensemble d’Îlots entourés d’espaces naturels, qui apparaîtraient ainsi en continuité les uns des autres. Outre l’aspect esthétique escompté, ce projet prenait en compte un autre impératif de l’aménagement urbain : celui de la cohabitation de l’homme avec la biodiversité qui l’entoure. Dans un contexte ou l’emprise des villes s’étend sur le territoire, il est essentiel que les espèces animales et végétales disposent d’espaces où s’installer, y compris jusqu’au cœur de la ville, et que ces espaces soient connectés pour leur circulation.

Sur ce point encore, le législateur pose un cadre : celui de la Trame Verte et Bleue. Constituée des réservoirs de biodiversité et des corridors qui les relient, cette trame doit se décliner du niveau national au niveau communal par des études et réalisations à chaque échelle de collectivité. Au niveau communal, c’est bien le PLU qui doit permettre l’identification de ces réservoirs et corridors. La municipalité devrait donc avoir un rôle directeur, basé sur une connaissance détaillée du terrain [1], afin de préserver et promouvoir une telle trame : il est en effet hautement improbable que des aménageurs, focalisés sur des lots ponctuels, puissent spontanément contribuer à l’établissement d’une trame cohérente sur la commune !

La route de Castres

Au sud de la route de Castres s’étend la Zone d’Aménagement Différé (ZAD [2] ) de Lasbordes. Cette ZAD est sur Balma, avec celle de Gramont, le grand secteur d’évolution potentiel de la commune. Dans le Schéma de Cohérence Territorial (SCoT), auquel le PLU doit se conformer, ce secteur est clairement identifié comme une zone à construire (habitat et activité). La ZAD de Lasbordes arrivant à échéance en juin 2016, ce secteur, actuellement gelé par le statut de ZAD, devra, faute de projet d’aménagement engagé, être rendu au marché.

L’avenir de ce secteur est une des préoccupations majeure de l’APCVEB, car il fait l’objet d’une forte spéculation foncière. Situé en bordure de la voie de bus en site propre, et identifié comme secteur de développement par le SCoT, il est aussi proche du futur échangeur qui sera prochainement ouvert au niveau de la cité de l’espace, et donc au sud de l’aérodrome de Lasbordes. Composé de terres agricoles pour l’essentiel, ce secteur est également détenu en grande partie par le groupe Immauchan, filiale du groupe Auchan spécialisée dans la spéculation foncière.

Face à ces enjeux, l’APCVEB a alerté la municipalité par courrier du 14 Octobre 2014 pour qu’elle entreprenne deux types d’action : d’une part prendre toute mesure propre à sécuriser sur le secteur un projet dont elle garde le contrôle ; et d’autre part négocier au sein de la métropole et du SMEAT [3] la réduction des ambitions du SCoT sur ce secteur.

Dans ce contexte, la définition d’un périmètre d’étude, tel que prévu par la modification du PLU, est une bonne chose sur le principe. On regrettera néanmoins que ce périmètre ne s’intéresse qu’au sud de la route de Castres, sachant que le nord de cette même route, s’il ne fait pas partie de la ZAD n’en est pas moins soumis aux mêmes risques spéculatifs.

La définition d’un tel périmètre ne constituant qu’un sursis, il est maintenant nécessaire d’organiser une large concertation sur le devenir de cette zone et à traduire le projet résultant dans les futures évolutions du PLU.

Route de Castres - périmètre gelé pour études

Les coteaux de Balma

Le dernier point important proposé par la modification du PLU concerne le secteur des coteaux de Balma. Comme pour la ZAC Gramont, la volonté municipale est de limiter la densification possible de ce secteur. Mais de quoi parle-t-on ?

Le secteur des coteaux est actuellement en zone UB et UC. La zone UB est pavillonnaire et propose une densité intermédiaire entre le cœur de ville (zones UA et UAa) et les zones les plus externes de la commune (UC). Lors de la création du PLU en 2005, le règlement de la zone UB avait permis de conserver à cette zone son caractère pavillonnaire tout en autorisant la division des parcelles. Cette possibilité de division répondait à la fois à la demande des habitants (gestion des héritages, vente de partie de terrain) et à une densification en douceur de ce secteur voisin du cœur de ville.

Cette densification en douceur de la zone UB propose un schéma très progressif de renouvellement de la ville sur elle-même, contribuant ainsi au même objectif d’économie des sols et d’efficacité des réseaux que celui d’opérations telles que Vidailhan, mais à un rythme adapté au tissu urbain environnant, et sans toutefois permettre d’atteindre les mêmes densités.

En transformant une partie de la zone UB en zone UC, et une partie de la zone UC en zone UCa, la municipalité casse cette dynamique de transition douce au profit d’un immobilisme. Trente hectares de l’ancienne zone UB ne pourront bénéficier de cette transition douce en passant en zone UC. De plus, le règlement UCa, en augmentant les distances aux limites séparatives des parcelles par rapport à la zone UC initiale, rend plus difficile la division des parcelles. Enfin, la nouvelle zone UCa autorise les constructions à occuper au maximum 25% de la surface de la parcelle, contre 30% en UC et 50% en UB.

Comme pour la ZAC Gramont, la municipalité ignore délibérément les contraintes environnementales et l’esprit de la loi. La création de cette zone UCa spécifique comme la conversion de UB en UC est une erreur qui doit être corrigée.

Projet d’évolution du zonage sur les coteaux
En bleu dans le cadre : la zone UB devenant UC.
En jaune dans le cadre : la zone UC devenant UCa.

Au-delà des trois points principaux

Le projet de modification comprend d’autres éléments, de moindre importance, qui ont également attiré notre attention.

Un espace réservé est par exemple dédié à un aménagement piéton ou cyclable tout au long de la vallée de l’Hers. Bien que nous soyons globalement très favorables aux déplacements doux, ce projet précis nous laisse dubitatifs : l’objectif d’un déplacement doux doit rester de se déplacer entre deux points d’intérêt. De ce point de vue, un aménagement cyclable de ce type est inutile car redondant avec la piste cyclable allant de Lasbordes à Gramont qui est déjà doublée par une piste correspondante de l’autre côté de la rocade. Un aménagement strictement piéton y aurait sa place, mais cet aménagement existe déjà : un chemin permet de relier l’aérodrome au métro. Il n’est nul besoin de stabiliser ou goudronner ce passage dont le caractère naturel lui permet de contribuer à la trame verte et bleue présentée plus haut. De notre point de vue, il serait opportun de le laisser le chemin dans l’état, en le prolongeant éventuellement entre l’aérodrome et l’Hers.

De nouveaux espaces réservés ont été identifiés dans le secteur de Vidailhan. Toutefois, il manque dans le schéma proposé l’établissement d’une continuité verte entre Garrigue et Hers, ce qui était déjà une lacune dans la vision initiale de la ZAC Gramont. Un élément nouveau pourrait toutefois changer la donne : le départ du transporteur libère un terrain au sein duquel une continuité peut être mise en place en jonction avec les espaces verts de Vidailhan (le grand parc et le petit bois) et en direction de l’Hers. Une négociation nous semble envisageable avec la DGA et la Grainerie pour envisager entre ces deux terrains un franchissement du tunnel des carènes et une jonction vers l’Hers en arrière des jardins familiaux.

La limite de longueur des impasses évolue dans toutes les zones de 80 à 150m pour les nouvelles voiries. Cette modification aura pour conséquence de multiplier les enclavements déjà nombreux dans la commune. Une telle politique favorise le repli des quartiers sur eux-mêmes et augmente les déplacements en véhicule particuliers : deux conséquences qui sont aux antipodes d’une conception durable de la ville qui devrait favoriser le vivre ensemble, les connexions inter-quartiers et limiter les déplacements dans un soucis d’économie d’énergie.

Sur la concertation

Alors même qu’une modification du PLU devrait être l’occasion d’un débat citoyen, une sixième modification a été soumise à enquête publique en cette fin d’été 2015 (entre le 2 septembre et le 2 octobre) avec une communication minimaliste à ce sujet. Seule une réunion publique d’information fut organisée le 30 septembre dernier par la municipalité, pour une date limite de dépôt des observations auprès du commissaire enquêteur le 2 octobre... L’annonce de cette réunion ayant été elle-même très discrète.

L’avis général de l’APCVEB

Si cette modification du PLU a le mérite de préserver pour l’instant l’avenir de la ZAD de Lasbordes, elle manifeste une incompréhension voire une négation des enjeux globaux d’aménagement du territoire (usage économe de l’espace, efficacité des réseaux, trame verte et bleue, lutte contre le réchauffement climatique), et semble répondre davantage à une volonté d’immobilisme, qu’à une vision de l’avenir permettant de répondre aux enjeux du 21ème siècle. Le déficit de co-construction de cette modification avec l’ensemble des citoyens, tout comme le manque de publicité autour de cette révision, sont à cet égard également regrettables.

[1C’est pourquoi l’APCVEB insiste pour la constitution d’un inventaire communal de la biodiversité.

[2Le statut de ZAD permet aux collectivités de figer le prix du terrain sur un périmètre donné et de préempter à ce prix tout terrain soumis à la vente. L’objectif est de limiter la spéculation foncière en préparation d’un projet d’aménagement d’envergure (la ZAD deviendra alors généralement une ZAC, comme à Gramont). Afin d’éviter les abus, la loi prévoit un délai maximal pour que les collectivités définissent un projet sur une ZAD. Après ce délai, la ZAD est échue et ne peut être renouvelée. C’est le cas pour la ZAD de Lasbordes dont l’échéance arrive en juin 2016.

[3Le SMEAT (Syndicat Mixte d’Etudes de l’Agglomération Toulousaine) est la collectivité responsable de l’élaboration du SCoT. Composée de 117 communes, elle inclut Toulouse Métropole mais aussi le Sicoval et d’autres communautés d’agglomération autour de Toulouse. Un processus de révision du SCoT est en cours : il s’agit pour Balma de faire valoir son point de vue dans la négociation qui définira où les futurs habitants et activités devront être accueillis, et dans quelles quantités.

Sujets associés

2015 - Modification du PLU (Rev3 Mod6)
Urbanisme
Balma