Un bus en site propre à Balma

Groupe "Territoires"

APCVEB: Groupe "Territoires"

Article | 10 décembre 2002, par Renaud LAURETTE

La concertation publique sur le transport en site propre à Balma est l’occasion de penser ou de re-penser la politique des transports de demain. Celle-ci ne peut se concevoir en limitant le champ de reflexion à notre seule commune : c’est tout le Grand-Toulouse qui est concerné, ainsi que les communes qui le bordent. C’est donc une analyse de grande ampleur à laquelle il nous faut participer auprès des élus.

Tisséo, le syndicat mixte des transports de l’agglomération Toulousaine (anciennement le SMTC), a soumis à concertation publique en octobre et novembre 2002 un ensemble de projets de transports en communs complétant l’infrastructure du métro. La commune de Balma est particulièrement concernée, car elle doit accueillir à la fois le nouveau terminus de la ligne A, et une ligne de bus en site propre (TCSP). A l’occasion de cette concertation, des informations ont été distribués dans les boîtes aux lettres des balmanais, et une réunion publique a été organisée par Tisséo et par la mairie de Balma en novembre 2002 en mairie, afin présenter l’avant-projet dans son état actuel.

L’APCVEB, globalement favorable aux mesures propres à développer les transports en commun, s’interroge sur certains aspects du projet.

Une vocation ambigüe

Le trajet proposé semble vouloir concilier deux objectifs distincts : desserte de proximité et acheminement rapide inter-communal.

Le premier objectif consisterait à desservir la population de Balma pour la faire converger vers le métro. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de disposer de nombreux arrêts répartis sur la commune, avec une attention toute particulière vers les quartiers les plus peuplés ou ammenés à le devenir. Dans cette optique la ligne desservirait donc la Marqueille, la cité Noncesse, le Cyprié et Embrague ; ces deux derniers quartiers étant les pôles de développement de Balma demain. Or le trajet proposé dessert bien la Marqueille, mais pas les trois autres quartiers. De plus, un tiers du parcours longe le CEAT du côté de l’Hers, sans desservir aucune population.

Le second objectif consisterait à acheminer les habitants des communes voisines de Balma au plus vite vers le Métro. Dans ce but, les arrêts seraient peu nombreux, et des infrastructures seraient aménagées en extrémité de ligne ou à des carrefours routiers pour favoriser le transport multimodal et éviter la convergence des véhicules particuliers jusqu’aux abords du métro. Le parcours comporte bien des parkings voitures et/ou vélo, mais la fréquence des arrêts semble trop importante vis à vis d’un transfert moyenne distance. En particulier, la durée des trajets St-Orens/Gramont ou Quint/Gramont semble peu attractive vis à vis de la voiture.

Autre ambiguité du projet, le tracé converge vers le Métro, et ainsi vers le centre de Toulouse. Cette approche "radiale" est-elle pertinente sachant que nombre de Balmanais et d’habitants des communes voisines on choisi ce secteur pour sa proximité des zones d’emploi de la Plaine, de Montaudran, de Labège ou de Ramonville ? La connexion Métro/TCSP est clairement une nécessité, mais ne faut-il pas favoriser les parcours banlieue-banlieue, afin de fluidifier la rocade et les communes de la première couronne ? Compte-tenu de la saturation du foncier intra-muros, il y a fort à parier que les nouveaux emplois seront créés en périphérie, là ou justement viennent s’installer les quelques 9000 personnes qui rejoignent l’agglomération toulousaine chaque année. Cette hypothèse est d’ailleurs largement confirmée par le Schéma de Cohérence Territorial (SCOT) qui identifie clairement de nouvelles zones d’emploi autour de Balma.

Replacer le TCSP dans son contexte

La concertation et la réunion publique se sont focalisées sur le TCSP. Pourtant il apparait clairement, à la lumière des questions posées ci-dessus, qu’un tel projet ne peut être examiné valablement sans le replacer dans le contexte d’ensemble des transports toulousains.

Le rapport de présentation de Balma, soumis à enquête publique en Juin 2001 lors de la révision du POS (voir document), faisait notamment allusion à un trajet différent, centré sur la desserte interne de Balma, et complété par un projet de voie ferrée le long de la rocade, desservant les zones industrielles qui la bordent. Il semble, au premier abord, que le projet de 1998 adressait mieux la complémentarité entre transport moyenne distance et réseau de proximité que le projet actuel. Pourquoi ce projet de 1998 a-t-il été abandonné, et en quoi le nouveau projet répond-il mieux aux besoins de transports de notre secteur ?

Favoriser le multi-modal

Au delà du temps de trajet lui-même, c’est l’accès au transport qui détermine largement la décision de l’usager de l’emprunter. Combien de temps dois-je marcher pour l’atteindre ? que faire s’il pleut ? puis-je l’approcher en voiture ou en vélo ? comment rejoindre ma destination une fois descendu du bus ?

Ces questions, et bien d’autres, posent le problème du transport multi-modal et des correspondances, un sujet bien peu abordé lors de la phase de concertation. Qu’en est-il des parkings, des locations/prêts de vélos, des navettes desservant l’intérieur des zones industrielles ? Solliciter des initiatives de co-voiturage ou de locations longue durée de mini-bus sont également des pistes à explorer.

Concernant plus particulièrement les vélos, le projet présnte un aménagement de pistes cyclables le long du trajet du TCSP. Certes, nous nous félicitons de l’augmentation du nombre des pistes cyclables, mais ne vaudrait-il pas mieux mettre en place des pistes qui convergent vers le TCSP, dans une optique de transport multi-modal comprennant des parkings ou abris aux stations, au lieu de pistent qui suivent le trajet du bus ?

Circuler demain

Pour apprécier la pertinence du projet, au delà de discussions locales sur le détail du tracé, il serait souhaitable de disposer d’analyses sur les trajets traversant notre secteur, notamment pour ce qui concerne les liaisons domicile-lieu de travail. Et au delà, il nous faut projecter ces analyses dans le futur, en prenant en compte le développement des futures zones d’activité (Gramont, Ribaute, ..), celui des communes avoisinantes et les aménagements routiers prévus (ouverture complète de l’A20, déviation de la RN126, ..).

Par exemple, pour anticiper le développement des quartiers Nord, il nous semble nécessaire de réserver des emplacements de voirie le long des axes Georges Pompidou, Gaston Doumergue (ou son trajet alternatif contournant la Fount) et Georges Clémenceau, pour faciliter demain l’aménagement de voies de bus et de voies cyclables dans ces quartiers.

Présenter ces analyses aux associations permettrait à celles-ci de mieux s’associer, dans l’intérêt commun, aux projets qui façonnent l’urbanisme et les transports de demain. En leur absence, nous ne pouvons que nous interroger.

Maitriser la croissance urbaine

Multiplier conjointement les moyens de transports collectifs et individuels handicapera toujours les premiers au profit des seconds, notamment pour du collectif routier : même en site propre, un bus à 20 km/h de moyenne ira toujours moins vite et moins directement qu’une voiture à 40 km/h.

Si cette moyenne n’est plus atteignable en ville, elle le reste largement dans la périphérie de Toulouse, ceci d’autant plus qu’on s’éloigne du centre. Dans la mesure où le foncier toulousain est saturé, c’est aujourd’hui loin du centre que s’installent les nouveaux venus, qui prennent alors leur voiture pour rejoindre leur travail qui reste en ville ou en bordure de rocade. Multiplier les routes n’a comme effet que de repousser plus loin les nouvelles constructions, qui engorgeront de nouveau les routes, en repoussant toujours plus loin les limites de l’agglomération. Devront-nous connaître à Toulouse une nouvelle Région Parisienne ?

Face à ce phénomène, un Bus en site propre n’offrira jamais qu’une pâle opposition, compte-tenu de sa faible vitesse et de sa faible capacité. Seule une liaison ferroviaire, développée prioritairement à la route, est à même d’inverser la tendance d’engorgement. Autrement dit, il ne s’agit pas de mettre une voie ferrée le long d’une 4 voies, mais à la place de celle-ci. Encore faut-il que ces trajets rapides soient efficacement complétés par des dessertes locales.

C’est pourquoi nous sommes extrèmement sceptiques vis à vis de l’argument présenté en réunion publique, et selon lequel la mise en place de BSP serait à même de résorber ou de limiter l’accroissement naturel du trafic automobile.

Certes, les TCSP sont nécessaires, mais leur vocation doit être focalisée sur des trajets courts (une ou deux communes) et denses en population. Ils soivent ensuite être épaulés sur des moyennes distances par des transports plus rapides et de plus grande capacité.

Partager la stratégie

La concertation sur le TCSP semble remplir au moins un objectif : celui de nous faire réfléchir collectivement à ce que pourraient être les modes de déplacement de demain. Il faut maintenant que nos élus continuent sur leur lancée et associent plus étroitement les associations et les partenaires locaux à leur reflexion, en posant le problème dans son ensemble. Quand la stratégie sera clairement identifiée, il sera plus simple pour chacun de comprendre l’intérêt général, et les détails de tracés, importants pour les riverains concernés, pourront être efficacement abordés.

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